PÉRIGNAC : PAICHEL ET LA REINE DE MERCURE

La mission de Paichel est terminée en Angleterre. Il va parcourir à présent le monde comme un clochard. Il se souvient tout-à-coup de la sphère de Primus Tasal lorsqu’il vivait dans une tribu néandertalienne. Elle indiquait tous les endroits où se trouve du pétrole, des diamants et de l’or. Il va donc tenter sa chance comme prospecteur. Il offre d’abord sa jolie Bentley à un collectionneur et marche seul sur les routes d’Europe sans se soucier du lendemain. Voici donc sa prochaine aventure intitulée : Paichel et la reine de Mercure.

Paichel cherchait de l’or depuis plusieurs heures pendant que son nouveau compagnon qu’il appelait Pop-corn, tentait d’attraper des mouches sur le bord de la rivière. Soudain, une lumière attira le regard de notre homme dès qu’il vit un petit objet briller intensément au fond de cette eau peu profonde. On aurait dit une boîte métallique qui se déplaçait lentement sur le sable blond. Au début, le prospecteur crut que celle-ci bougeait ainsi à cause du courant. Il changea d’avis lorsque cette “chose” se faufila entre ses grosses bottes noires, tel un poisson argenté. C’était suffisant pour aiguiser sa curiosité naturelle. Il marcha dans l’eau pour suivre cette sorte de canne à sardines et celle-ci s’amusa à tourner plusieurs fois autour de lui pour l’étourdir. La patience du chercheur d’or descendit dangereusement lorsqu’il tenta d’attraper cette boîte avec son tamis. Lorsqu’il y parvint après quelques heures, ce fut pour voir l’objet traverser son filet sans aucune difficulté.

- Sacré-nom-d’un-chien, cria le chasseur frustré, c’était mon seul tamis!

- Mais c’était à toi de ne pas t’en servir pour faire la chasse à ce poisson en métal, lui répondit sagement Pop-corn qui s’était assis sur le bord de la rivière. Puis, est-ce pour pêcher, chasser ou chercher des pépites d’or que nous sommes ici, mon maître?

- Tu devrais poursuivre ta chasse aux mouches et me laisser tranquille. Tu me déconcentre, tu comprends?

- Non, mais si je te dérange, il faut me le dire, par exemple!

Paichel poursuivit sa chasse tandis que son chien ouvrit la gueule en se disant qu’une mouche finirait bien par se laisser attraper. On ne saurait dire combien de temps dura cette poursuite, mais Paichel finit par hurler d’impatience : “ Je vais t’attraper ou bien mon nom est COCHON!!!”

Les heures passèrent mais notre homme revint à son campement pour reprendre des forces. Il se disait en guerre contre cet objet qui s’amusait à contourner ses stratégies militaires. Pop-corn attendit d’avoir sa pâtée avant de lui dire : “Merci...cochon.” Son maître tenta de lui retirer sa bouffe pour le punir de son impolitesse.

- Mais c’est toi-même qui a dit que tu t’appellerais cochon à moins d’attraper cet objet!, jappa son compagnon étonné. Prouve-moi que tu l’a enfin attrapé si tu veux reprendre ton vrai nom.

- Oserais-tu m’appeler cochon jusqu’au moment où je serai le vainqueur, alors?

- Sûrement!, répondit la bête avant de s’attaquer à sa pâtée.

Paichel se calma en mangeant ses fèves au lard qui allaient le tenir bruyant toute la nuit. La soirée passa sans que notre entêté détourne son regard de la rivière. Cet objet s’amusa à passer plusieurs fois près du bord pour ensuite s’éloigner en traçant des sillons derrière lui. Finalement, cette étrange boîte lumineuse pratiqua des cercles parfaits sous l’eau avant de disparaître quelque part sous un rocher. Paichel dormit d’un seul oeil en attendant l’aurore. C’est évident qu’il y aurait un gagnant et un perdant dans ce petit jeu de poursuite. Notre homme était tout de même persuadé de pouvoir se saisir de cet ovni minuscule dès qu’il sortirait de sa cachette. Il chaussa donc ses grosses bottes et s’introduisit dans la rivière sans faire de bruit. Il sourit en voyant une faible lueur se mouvoir derrière l’étroite fissure d’une grosse pierre qui se trouvait à quelques mètres de la rive. Il plaça ses mains devant le trou et attendit que sorte l’objet. Penché devant ce rocher, notre homme y passa un long moment à attendre que se livre l’ennemi, mais celui-ci passa simplement par une autre sortie avant de poursuivre lentement sa route.

Vers midi, l’attaque du traqueur d’ovni porta fruit, du moins pendant quelques secondes. Il venait de voir la boîte argentée se mouvoir en surface. Elle se trouvait si près de lui qu’il fut en mesure de l’attraper en criant de joie. Un vent chaud et violent lui pinça aussitôt les mains avant de s’en échapper. Puis, vers les deux heures, une autre saisie de l’objet valut une prouesse acrobatique à notre pauvre Paichel. La force de l’appareil souleva d’abord le chercheur d’or à plusieurs mètres dans les airs avant de projeter l’héroïque voyageur vers la grève. On aurait dit un homme volant, non identifié, qui ferait un atterrissage spectaculaire dans un bosquet. Cela aurait dû suffire à lui retirer l’envie de toucher à cet objet. Mais cet entêté fit semblant d’être blessé et se plaignit si fort que l’ovni fut attiré par ses gémissements. Il s’immobilisa au-dessus de sa tête pendant que le chercheur d’or se frottait les genoux. Dès que l’appareil descendit à une hauteur de bras, notre homme l’attrapa en plein vol. Le faux blessé s’éleva rapidement dans le ciel en perdant ses bottes pendant l’ascension. Son chien lui jappa froidement : “ Ne t’inquiètes pas, mon maître, je vais les conserver jusqu’à ton retour! Si tu ne reviens jamais, je vais les offrir à mon futur maître contre un bol de pop-corn au caramel.” Quelle brave bête!

Pieds nus et frissonnant terriblement à mille mètres au-dessus du sol, le chercheur d’or cherchait à se réchauffer les orteils en les agitant comme un pianiste qui veut se délier les doigts. Bientôt, ceux-ci frôlèrent dangereusement la cime d’une montagne. Il n’était plus question de lâcher prise à cette hauteur, à moins de sauter dans une autre rivière. À défaut d’une rivière, notre ami était prêt à se laisser tomber dans un lac. À bien y penser, il prendrait la chance de sauter dans une piscine ou même dans un verre d’eau! Il volait à présent au sommet d’une chaîne de montagnes et n’osait s’imaginer ce qui arriverait s’il chutait dans l’un des nombreux ravins escarpés. Il préféra adresser cette courte prière au bon Dieu :

Mon Dieu, si tu es également le Grand Patron des extra-terrestres
Ordonne à cet objet de me déposer immédiatement

Le Tout-Puissant devait avoir mal compris son message puisque le petit vaisseau s’amusa à poursuivre sa route en longeant des crevasses, des pics et des terrains accidentés. Paichel n’était plus certain de pouvoir tenir longtemps cet objet de malheur. Il sentait ses forces diminuer et ses doigts se dénouèrent les uns après les autres. Tout lui parut sans espoir et ferma les yeux pour attendre la mort. Il ne fallait surtout pas lui en demander trop après tout! Cette mort, rare sont ceux qui osent la regarder en face; on baisse les yeux ou bien, il faut faire semblant de ne pas la voir lorsqu’elle vient nous chercher. Lorsque son dernier doigt lâcha prise, le pauvre homme sans aile chuta dans le vide. Il faut dire que Paichel se trouvait, en réalité, à quelques centimètres d’un sol doux et sablonneux. Ses pieds nus s’y enfoncèrent légèrement, sans plus. Le chercheur d’or n’y comprenait rien; il s’attendait à se briser les os d’un instant à l’autre. Il n’osait ouvrir les yeux et cela devenait plus angoissant que de savoir ce qui se passait exactement. Il avait l’air vraiment niais, immobile comme une statue et la figure encore toute crispée. Puisque le moment de l’impact n’arrivait pas, il ouvrit prudemment un oeil pour voir la moitié de cette jolie plage sur laquelle il venait d’atterrir. Puis, lorsqu’il se décida à ouvrir l’autre oeil, il vit l’autre moitié de cette île et la mer.

La boîte lumineuse s’était posé au sommet d’une petite colline arrondie. Le naufragé s’en approcha, mais le sol se mit à trembler. Notre homme tomba, face contre terre et du sable pénétra dans sa bouche et ses narines. La secousse devint si violente, qu’il aurait fallu un bâton de dynamite pour lui dégager sa face du sol. La colline se fendit en deux et en sortit un autre vaisseau spatial de la taille d’une grosse valise. Il émettait des sons tellement mystérieux qu’ils provoquaient un véritable tumulte à la surface de l’eau. Des vagues énormes roulèrent sur la plage pour ensuite s’abattre sur le pauvre homme déjà étouffé par le sable. L’eau le fouetta par saccades régulières jusqu’au moment où cet engin de l’espace s’éloigna de la colline. Puis, tout redevint calme et même trop tranquille, se disait Paichel en se redressant sur ses mains. Il n’osait se relever avant d’être convaincu que tout danger était écarté.

Des oiseaux chantaient; était-ce de bonne augure?, semblait se demander le naufragé en songeant à d’éventuels oiseaux de malheur. L’un d’eux en laissa la preuve sur son crâne presque chauve!

- Maudite merde, ragea notre victime en regardant une nuée de goélands dans ce ciel bleu.

- Tu ne devrais pas maudire ces jolis oiseaux blancs qui doivent faire leurs besoins comme les autres, lui répondit sa conscience.

On doit savoir que Paichel entendait souvent des voix intérieures qui se faisaient passer pour sa conscience. En réalité, des Grands-Maîtres de l’invisible le guidaient dans ses missions à travers le temps. Il va sans dire que notre homme ne savait jamais où ceux-ci désiraient lui voir accomplir celles-ci et encore moins en quoi elles consistaient exactement. Dans le cas présent, ses Maîtres voulaient qu’il aide des extra-terrestres à s’en retourner sur la planète Mercure.

Le missionnaire vit de nouveau le petit vaisseau argenté s’immobiliser au-dessus de sa tête. Cette fois-ci, notre homme n’éprouva aucune envie de s’en saisir. Il se contenta de le fixer craintivement, surtout lorsque celui-ci descendit lentement pour venir se placer en face de son visage. Au même instant, l’autre vaisseau spatial passa silencieusement au-dessus de l’île avant de plonger dans l’eau. On aurait dit une étoile de mer géante, transportant une sorte de bouclier rouge-feu entre ses cinq pointes. Le naufragé le vit s’enfoncer un court moment puisque le petit objet encore devant sa figure étonnée, l’aveugla pour le punir de sa curiosité. L’effet fut radical comme si un flash de caméra vous troublait la vision pour un certain temps. L’effet disparut au coucher du soleil. Les deux vaisseaux n’étaient plus là et la solitude devint la seule compagne du pauvre naufragé.

Paichel erra sur son île déserte comme une âme en peine. Il en fit plusieurs fois le tour en tentant de fuir la faim qui le tiraillait tellement qu’il en vint à manger les rares touffes d’herbe qui poussaient maigrement autour du seul arbre de son nouveau royaume. Il finit par s’asseoir sous celui-ci en murmurant ces quelques vers improvisés pour les circonstances :

Je suis un homme trop bête pour être heureux
Pourquoi fallait-il m’accrocher à cet objet dangereux
Alors que mon compagnon trouvait son bonheur
À chasser les mouches pendant des heures?

Suis-je donc trop curieux de nature
Pour me contenter de vivre mes aventures
Sans chercher de telles mésaventures
Qui m’obligent à manger de la verdure?

La nuit était étoilée et le clair de lune jetait un peu de clarté sur le sable nocturne. Sur la mer obscure, on pouvait voir des écailles lumineuses danser sur les vagues, avant de mourir sur la grève. Paichel s’endormit en rêvant à une orgie de nourriture sur une table immense.

Au petit jour, il s’éveilla en grelottant terriblement. La seule façon qu’il trouva pour se réchauffer les pieds, fut de les enterrer dans le sable. Tout à coup, il sentit quelque chose en bougeant ses orteils. Il s’empressa de retirer ses pieds du sable pour fouiller nerveusement dans celui-ci. Il trouva un livre en cuir, fort étrange. Il est évident que notre homme aurait souhaité trouver une noix de coco, mais ce livre était tout de même quelque chose qu’il pourrait bouffer en attendant de trouver mieux. Il se mit à mordre dans la couverture rouge, incrustée d’une jolie étoile de Salomon. Puisque Paichel ne savait ni lire, ni écrire, ce volume ancien pouvait le nourrir temporairement. Il mordit fortement en cherchant à déchirer un coin du cuir. Alors, une voix mystérieuse lui dit:

- Pauvre misérable, comment oses-tu mordiller un livre caché là par les Hélohim?

- Sacré-nom-d’un-chien, gémit l’homme sans attendre, je suis tellement affamé que j’entends des voix d’anges!

Il tenta d’enfoncer ses dents dans la couverture et la voix lui cria aussitôt :

- Avez-vous déjà vu une tête de cochon comme la sienne, votre Majesté! Oh là, l’ami, cesse de t’attaquer à notre clef magique.

- Ça, une clef?, demanda l’affamé sans attendre. Il se peut que je sois en train de rêver, après tout! D’accord pour la clef, si cela peut te rassurer, bonne conscience! Ce livre est une clef et moi, je suis la serrure par laquelle il entrera dans mon estomac.

Il examina le livre épais en se disant d’une voix attristée :

- Si au moins tu étais une tranche de pain, nous pourrions nous entendre à merveille!

- Ouvre ce livre en son milieu, lui dit la voix inconnue.

L’homme se pinça d’abord les joues pour être certain de ne pas rêver et ouvrit ensuite le volume d’un air hésitant. Une petite clef en or véritable en tomba. Intrigué par sa découverte, le chercheur secoua plusieurs fois le livre dans l’espoir de voir d’autres objets en tomber. Il se résigna ensuite à admettre que cette clef était la seule qu’il trouverait dans ce manuscrit. Il feuilleta les pages en se disant nerveusement :

- Si cette clef est celle d’un coffre à trésor, je devrais normalement trouver une carte pour m’indiquer son emplacement.

- Pauvre ambitieux, dit la voix mystérieuse en réalisant que l’affamé risquait de mourir de faim avant même de pouvoir découvrir un trésor.

En effet, à quoi lui servirait de trouver un coffre rempli d’or s’il allait devoir terminer ses jours sur une île déserte? Une carte se trouvait dans ce livre et montrait par un gros X, l’emplacement exact du trésor. Celui-ci était d’ailleurs marqué en face de cet arbre unique. Paichel creusa rapidement et dégagea une petite boîte rectangulaire de couleur argentée. Il la sortit du trou pour ensuite la secouer afin d’écouter le son qu’elle produisait à l’intérieur. Il fut drôlement déçu lorsqu’il n’entendit rien du tout. Ce coffret était peut-être vide après tout! Il le déposa sur le sable et tenta d’introduire sa clef sans une petite serrure dorée. Puis...pouf!!!

Croyez-le ou non, Paichel se retrouva aussi petit qu’une punaise. Il se tenait devant une immense porte dont la forme lui rappelait une serrure. Lorsqu’il vit la clef gigantesque qui gisait près du coffret, il réalisa qu’elle faisait dix fois sa taille. Comment aurait-il pu douter à présent que sa métamorphose lui permettrait de s’introduire dans cette boîte sans utiliser cette clef d’or! C’était tout de même inquiétant de se savoir aussi minuscule et fragile. Sa curiosité naturelle le poussa à s’introduire la tête dans la serrure et ce qu’il vit alors le fascina. Cette porte donnait accès à un magnifique palais inconnu. Il y avait des grains de sable éparpillés sur le plancher luisant et qui paraissaient aussi énorme que des cailloux pour notre homme. Il ne vit aucun meuble et encore moins de trésors dans cette salle aussi vaste qu’un amphithéâtre. Une échelle se dressait au milieu de la pièce et ses derniers barreaux disparaissaient dans une voûte arrondie. Paichel se frotta les yeux puisqu’il éprouvait de la difficulté à fixer cette longue échelle blanche. Une forte odeur de sel lui brûla d’ailleurs les paupières.

Alors qu’il explorait timidement l’entrée du palais, un gros lézard s’approcha de la boîte en sortant sa lancette. Il voulait gober cette petite mouche humaine, mais le chercheur d’or lui échappa en se cachant à l’intérieur du palais. Il trouva refuge derrière l’échelle en sel véritable. La bête qui paraissait aussi grosse qu’un dinosaure aux yeux de Paichel s’introduisit la lancette dans la serrure. Lorsque sa langue rugueuse se frotta sur l’échelle, elle se mit à la lécher avidement à cause de sa saveur salée. Le pauvre homme avait si faim qu’il imita le lézard en croquant dans un barreau.

- Si les élus sont tous comme celui-ci, votre majesté, je la plains de devoir se fier à un tel sot, dit une voix mécontente. Comment ose-t-il s’en prendre à notre échelle de secours, celui-là! Arrête tout de suite ce ravage, sans quoi ce sel t’obligera à boire toute la mer avant d’étancher ta soif!

- Qui es-tu pour te moquer d’un pauvre homme affamé?, demanda Paichel en gémissant. Tu n’as donc aucune idée de ce mal qui ronge celui qui n’a rien à se mettre sous la dent? Que me veux-tu enfin, mauvaise voix? Je sais bien que je n’aurais pas dû attraper cette “ boîte de sardines”, sacré-nom-d’un-chien. Mais est-ce une raison pour me faire des misères?

- Votre majesté, reprit la voix qui résonnait dans la salle vide, cet homme parle de la faim. Est-ce un mal ou une maladie? Pourquoi désigne-t-il notre vaisseau éclaireur par: boîte à sardines? Enfin, de quel chien sacré parle-t-il au juste? Est-ce d’Hermès, de Sirius, de Corascene, de Khorassan et de la chienne d’Arménie? Je ne trouve pas le mot “sardine” dans notre dictionnaire.

- Cet homme a souffert à cause de nous, dit une voix très douce et amicale. J’aimerais le rencontrer puisqu’il est ce missionnaire que j’avais demandé pour nous aider.

L’autre voix, obéissant à sa reine, demanda à Paichel de gravir l’échelle.

- Je le voudrais bien, mais ce monstre cherche à m’avaler depuis tantôt, gémit le naufragé.

- Il est plus intéressé par notre sel que par la chair humaine, se contenta de répondre froidement celle-ci. Monte cette échelle et tu sauras très vite pourquoi nous t’avons conduit ici. Tu devras ouvrir la trappe de la voûte sans la toucher de tes doigts, sinon...gare à toi! Cette porte s’ouvrira d’elle-même lorsque tu auras prononcé les mots suivants :

Ouvre-toi, verre de voûte
Ouvre-toi vers le haut
Ouvert vers le verre vert univers...

Paichel suivit les instructions à la lettre et se retrouva dans la cabine de pilotage. La plupart des gens associent les extra-terrestres à des petits bonhommes verts ou pire encore, à des plantes et des reptiles monstrueux. Le missionnaire était un vieux loup des voyages dans le temps et en avait vu de toutes les couleurs au cours de ses aventures. Il ne fut nullement étonné de se trouver dans une salle circulaire où des êtres étranges prenaient place dans cinq bassins remplis d’eau. Son regard se porta aussitôt vers ces genres de gros oeufs vitrés et transparents dans lesquels se trouvaient des tubes lumineux. Dans l’un d’eux, il vit trois néons scintiller à tour de rôle comme s’ils communiquaient entre eux. La coquille dans laquelle ils prenaient place était brisée en deux et un liquide remplissait le fond du bassin. Paichel apprit qu’il se trouvait devant une reine et ses deux valets lorsque la voix mystérieuse de son coeur lui dit ainsi : “ Regarde dans quel état sont devenus la reine et ses deux valets de la planète Mercure. Ils ont besoin de ton aide.”

Des sons harmonieux se firent entendre de ces trois tubes phosphorescents. Celui qui se trouvait au centre passait du rouge au blanc. Le néon de gauche jouait entre le noir et le blanc, alors que celui de droite changeait du bleu au vert. Le tube de gauche cracha un jet noir dans le bassin avant de s’adresser au visiteur en disant:

- Nous sommes venus de très loin afin d’enseigner nos sciences aux humains. Nous avons vite réalisé qu’ils sont incapables de comprendre notre langue de Mercure. C’est le nom que vous donnez à notre planète. Comme tu peux le constater, nos traits physiques sont bien différents des Terriens. C’est sans doute pour cette raison que nous sommes incapables de vivre dans votre monde. Nous vivons vraiment à l’extrémité de deux pôles qui n’auraient jamais dû se toucher. Notre science, nos lois et nos valeurs sont incompatibles avec les vôtres.

Paichel écouta craintivement ce tube noir avant d’entendre le néon vert prendre la parole à son tour.

- Nous aimerions retourner sur notre planète. Nous l’aurions fait il y a des centaines d’années de cela, mais un grave problème technique provoqua la séparation de nos trois énergies. À moins d’être réunis de nouveau, notre vaisseau ne pourra jamais s’élever plus haut que les nuages de la terre.

- Nous savons que tu peux nous aider, dit le tube central. Des êtres de l’invisible nous ont parlé d’un homme assez fou pour relever le défi d’une telle mission. Dans notre langue, le mot “fou” est utilisé pour désigner les missionnaires des causes insensées. Si tu es, Fontaimé Denlar Paichel, nous te demandons de nous aider au nom de tes Maîtres de l’invisible.

- Je ne peux refuser de vous aider, s’exclama l’homme d’une voix rassurée. C’est toutefois la première fois de ma longue vie qu’on me demande de l’aide au nom de mes Maîtres de l’invisible. Pouvez-vous me donner leurs noms?

- Nous savons qu’ils sont vos guides depuis des milliers d’années, lui répondit le tube blanc. Ils veillent sur vous et sur plusieurs habitants d’une ancienne planète, disparue depuis quinze mille ans environ. Selon nos informations, elle portait le nom d’Arkara. En ce qui concerne ces Maîtres invisibles, ceux-ci ne m’autorisent pas à les désigner autrement que par les ZELAU, ZELAIR et ZELFEU.

- Zel?, questionna l’homme d’un air confus; vraiment, je ne me souviens pas d’avoir entendu ce nom auparavant. Êtes-vous certain du nom?

- Oui, notre mémoire est infaillible, lui répondit le tube noir. Ce mot signifie simplement : accompagnateur. Ces Maîtres vous demandent de nous aider avant que notre énergie s’épuise mortellement.

- Hé bien, je suis à votre disposition, répondit notre homme en souriant. Je n’ai pas de carte d’affaire, mais :

À l’appel vient Paichel
Surtout pour secourir de jolies demoiselles!

Les trois tubes se consultèrent un court moment en s’échangeant des signaux. Puis, le tube noir cracha de nouveau dans le bassin avant de dire :

- Nous comprenons ce que signifie le mot “faim”. Nous l’avons finalement découvert en analysant ta structure biologique. Il te faut de la nourriture n’est-ce pas?

- Oh!, oui, beaucoup de nourriture et quelques gallons de vin pour étancher ma soif, s’empressa de répondre l’affamé.

Les extra-terrestres échangèrent leurs couleurs et firent apparaître une botte de foin devant le missionnaire étonné.

- Je regrette, mais je ne suis pas une vache pour manger du foin!, s’exclama-t-il sans attendre.

- Nous avons pourtant regardé dans notre bibliothèque mercurienne et c’est bien indiqué qu’il s’agit d’une nourriture.

- Oui, mais pour un animal qu’on appelle “vache” et qui donne ensuite du lait lorsqu’on maltraite ses pies.

Ayant parfaitement réalisé leur erreur, ces êtres mystérieux pouvaient faire apparaître n’importe quoi, à la condition que l’on spécifie ce que l’on veut. Paichel parvint à obtenir quatre gros sandwichs et deux litres de vin rouge. Il va sans dire qu’il aurait commandé des mets exquis s’il s’était trouvé en compagnie d’une dame. Puisqu’il était seul, il se contenta d’une bonne “bourre”, plutôt qu’une bonne “bouffe”. D’ailleurs, tout le monde sait très bien qu’on ne demande pas à un affamé de faire la différence entre une olive ordinaire et celle qui est farcie. Il gobe tout, même les noyaux!

Lorsqu’il fut rassasié, le chercheur d’or vint se placer devant les trois tubes pendant qu’ils se communiquaient d’autres messages. Puis, un néon lui dit, juste après l’avoir entendu roter:

- Que signifie ce mot Burk...kkk?

- Cela signifie “satisfaction” dans la langue de celui qui a bien mangé, s’empressa de répondre ironiquement Paichel.

- Nous allons l’inclure à notre vocabulaire dès que serons de retour sur Mercure, lui dit le tube jaune. Nous espérons vivement y retourner, grâce à ton aide. Nous sommes même disposé à t’offrir tant d’or que personne sur terre en possédera autant. C’est bien de l’or que tu cherchais dans cette rivière, n’est-ce pas?

- Oui, de l’or! Ah, vous venez de me prendre par les sentiments en m’offrant de l’or pour mes services. Je me sens prêt à faire l’impossible pour vous retourner sur Mercure.

- C’est justement l’impossible que nous te demandons, lui répondit le néon rouge. Si tu peux me regarder me transformer sans faiblir de désirs, je t’accompagnerai au laboratoire de notre vaisseau pour t’enseigner comment manipuler nos énergies. Il faut être deux pour ce travail de précision et malheureusement pour moi, je suis la seule à pouvoir me métamorphoser en humaine, sans quoi, j’aurais demandé à mes deux valets de m’assister pour cette opération scientifique. Tout ce que tu auras à faire, c’est de tenir le vase transparent dans lequel je verserai un puissant agent coagulateur.

- Ah bon, c’est une sorte de sirop pour recoller vos trois énergies?, demanda candidement Paichel.

- Pas du tout, répondit la reine sans hésiter. Ce coagulateur est un sel mercuriel qui refera notre tissu comme c’est le cas pour votre peau. La nôtre contient notre énergie vitale. En la refaisant, nous pourrons guérir rapidement nos blessures.

- Ainsi, je n’aurai qu’à tenir un vase pour obtenir beaucoup d’or? C’est un jeu d’enfant ce que vous me demandez là!

Le chercheur d’or souriait à l’idée de faire fortune aussi facilement. Le tube rouge se mit à vibrer délicieusement, au point tel que les oreilles de l’homme en furent charmées. Il n’avait encore rien vu...le pauvre! Le néon se transforma en une fort jolie femme au regard envoûteur. Le mot est faible pour décrire la beauté de la reine de Mercure. Paichel sentit ses genoux fléchir et des frissons étranges parcouraient son système nerveux comme si la foudre venait de le frapper jusqu’au bout des orteils. Il fut incapable de tendre sa main à celle qui l’invitait à s’approcher de la porte conduisant au laboratoire. Notre homme avait l’impression d’avoir les pieds coulés dans du béton et d’être enchaîné par le dieu de l’amour. On aurait dit que les charmes dégagées par la reine faisait fondre la volonté du pauvre missionnaire. Il la regardait, tel un enfant émerveillé par la pureté de son regard. Ce n’était pas ce qu’elle s’attendait de lui et s’empressa de retourner à son état primitif. Le tube rouge soupira avant de s’exclamer tristement :

- Je suis triste de vous savoir si passionné!

- Oh, belle dame au regard merveilleux, gémit le pauvre amoureux, ayez pitié de ma pauvreté d’âme. Comment puis-je vous venir en aide, à présent que j’ai failli à ma mission?

Paichel parlait avec sincérité. Il réalisait que son impuissance à tenir la main de la reine de Mercure pouvait la condamner à demeurer éternellement sur terre. Le tube rouge s’illumina de nouveau avant de devenir d’un blanc laiteux.

- Il existe une autre voie possible à notre libération, lui dit la reine déçue. Elle est toutefois périlleuse et plus difficile à parcourir.

- S’il s’agit d’un moyen qui soit humainement réalisable, je suis disposé à m’engager dans cette voie, lui répondit l’homme en la suppliant des yeux.

- Je sais que tu feras tout pour vaincre les épreuves qui t’attendent, lui fit savoir la reine d’une voix attendrie. Pourtant, il serait plus sage de connaître notre mésaventure avant de rechercher les trois perles qui sauront nous réunir dans un seul pouvoir. Il y a des milliers d’années de cela, nous avions inventé un télescope si puissant, qu’il nous permettait de voir votre planète. Nous recherchions depuis longtemps le monde des humains puisqu’on en disait beaucoup de bien à l’époque parmi nos savants et nos sages. Nous tenions énormément à vous rencontrer et surtout, visiter votre Terre à cause de l’eau qui en recouvre une grande superficie. Nous en avions jamais vu, tu sais!

- Vous ne buvez donc jamais d’eau sur Mercure?, demanda Paichel pour en savoir davantage sur cette planète.

- Nous sommes des créatures liquides et non des êtres de chair comme vous, se contenta de répondre la reine. Nous voulions, par conséquent, comprendre l’anatomie humanoïde. Voilà pourquoi j’ai tenu personnellement à faire partie de cette première expédition sur Terre. Nos astrophysiciens ne pouvaient s’imaginer que ce voyage présenterait le moindre danger pour leur reine et ses deux valets. En réalité, voir une planète à travers une lunette et y vivre sont deux choses que nous avons vite appris à nos dépens lorsque nous avons traversé votre atmosphère. Notre vaisseau plana un court moment au-dessus des nuages avant d’éprouver des ennuis mécaniques. Tous nos instruments de bord firent défaut en même temps dès que notre navire fut en contact avec l’air terrestre. Il était trop tard pour remonter dans l’espace. Nous avons chuté dans la mer noire.

- Vous êtes arrivé sur terre dans la petite boîte de sardine?, demanda le chercheur d’or.

- Pas du tout, Paichel, s’empressa de lui répondre le tube royal. Je pense que tu veux parler du navire qui t’a transporté sur cette île, n’est-ce pas?

- Je me demande si je voyagerais de nouveau sous cette canne volante, se contenta de lui répondre le pauvre voyageur.

- Tu as été transporté ici par notre vaisseau éclaireur que nous appelons, l’Hermoplame. Notre navire principal possède la forme d’une étoile de mer. Mon palais se trouvait au centre des cinq pointes du navire, mais s’y détacha au contact de l’air terrestre pour ensuite sombrer au fond de la mer. L’habitacle de verre dans lequel je prenais place avec mes deux serviteurs se gonfla par la pression d’eau et se brisa en deux. Ce globe contenait mon sang mercuriel et constituait mon enveloppe protectrice. Tout ce qui me reste de ma vitalité se trouve au fond de ce bassin dans lequel nous tentons de survivre. Mes valets sortirent du verre pour tenter de le réparer rapidement. En se séparant de moi, ils perdirent tant d’énergie que j’ai ordonné leur retour immédiat dans le bassin où mon sang pouvait les sauver. Avant notre séparation, nous possédions la teinte dorée du soleil. Regarde ce qui reste de nous, à présent! L’un de mes valets est si noir et terne que je me demande s’il pourra survivre encore bien longtemps. Mon sage conseiller crache du sang et l’autre, je peux deviner qu’il perd ses couleurs rapidement. Larga et mon sage conseiller vont mourir si tu ne peux nous aider.

- Votre navire-étoile ne pouvait vous récupérer, votre majesté?, demanda le missionnaire.

- Il a tenté de le faire dès que mon palais sombra au fond de la mer, lui répondit-elle. Il demeura coincé entre deux pierres. Pour le dégager, il aurait fallu mes pouvoirs. Malheureusement, les trois perles magiques qui me servaient pour accomplir des prodiges furent avalées par des poissons monstrueux. Je portais un collier unique dans l’univers, tu sais! Il était composé de sept pierres fabuleuses qui me furent offertes par de puissants souverains qui gouvernent le mouvement des sept planètes de la voie lactée. Les trois perles précieuses étaient celles de Mars, Vénus et Saturne. Elles se trouvaient sur mon collier d’or, parmi de rares pierres de la Lune, de Jupiter, de Mercure et même de votre Terre. Si j’avais encore ces trois perles magiques, je pourrais réunir nos pouvoirs grâce aux puissances de Mars, Saturne et Vénus. Ces perles ont été gobées par trois gros poissons qui s’étaient introduit dans mon palais lorsqu’il se trouvait encore sous la mer. Pour les empêcher de nous attaquer, j’ai défait mon collier brillant avant de les lancer sur nos agresseurs affamés. Ceux-ci étaient surtout attirés par la couleur rouge de la perle de Vénus, la noire de Saturne et la blanche de Mars. Cette dernière devenait même rouge lorsqu’on la plaçait devant la pierre de Lune.

- Ces trois perles sont plus précieuses que les autres pierres de votre collier?, demanda le chercheur d’or.

- Oh, si précieuses, lui répondit la reine d’une voix émue, que c’est grâce à leurs pouvoirs si nous pouvons voyager partout dans l’univers. Sans mes trois perles, notre science dépasserait à peine celle des Terriens. Si tu peux me les rapporter, tu auras sauvé la vie de mes serviteurs et la mienne. Mes techniciens sont parvenus à sortir mon palais de la mer et à le cacher sous le sable de cette île en attendant un sauveur. Tu es peut-être cet homme, après tout?

- Si Dieu le veut, je vous délivrerai en vous rapportant vos trois perles précieuses. Je n’aurai besoin que d’une bonne ligne à pêche ou d’un filet.

- Une ligne? Oh non, ce n’est pas ainsi que tu pourras récupérer mes perles mon brave Paichel, lui fit savoir la reine d’une voix charmante. Ces monstres sont trop rusés pour se laisser prendre par des outils conventionnels. Il va falloir les attirer individuellement et leur faire cracher ce qu’ils m’ont volés. L’Hermoplane va forcer le premier poisson à venir s’échoir sur la plage. S’il est facile d’amener cette grosse raie devant toi, il le sera moins de lui faire cracher la perle de Saturne. Je laisse le soin à mon sage conseiller de t’expliquer comment tu devras t’y prendre avec ce poisson orgueilleux et vaniteux. Ouvre bien tes oreilles pour ne rien oublier dans ses propos.

- Notre reine m’a confié la tâche de trouver une bonne stratégie pour récupérer la perle saturnienne, dit froidement le tube noir en crachant dans le bassin. Je pense avoir trouvé la solution. Elle présente des risques pour toi, mais t’assurera la victoire si tu fais exactement ce que je vais te dire. Lorsque la raie viendra s’échouer sur la grève, elle nagera en rond dans une mare d’eau. Elle attendra simplement la marée haute pour s’en retourner à la mer et c’est là que tu devras intervenir avant qu’elle y parvienne. Pour l’obliger à sortir de son élément naturel, je te conseille fortement de conserver ta taille minuscule en t’approchant de ce monstre extrêmement dangereux. Sa queue est munie d’un dard mortel et ses dents pourraient te couper en deux sans difficulté. Si tu t’approches d’elle en conservant ta taille normale, cette raie effrayée voudra s’échapper en demeurant au fond de sa mare. Puis, même si tu cherches à la saisir pour la forcer à cracher cette perle, tu ne réussiras qu’à la tuer. Si tu fais cela, cette perle noire perdra aussitôt ses pouvoirs. On n’a pas le droit de tuer un autre pour lui voler son trésor. Si tu blesses ce poisson, il ne voudra jamais cracher ce qu’il conserve jalousement. Il faut que cette raie accepte d’elle-même de se débarrasser de cette perle.

- Quitte à me laisser dévorer si ce gros poisson me prend pour une punaise?, demanda craintivement le chercheur d’or.

- Un poisson est habile dans son élément naturel et devient vulnérable sur le sable, lui répondit le sage conseiller. Tu devras donc attirer cette raie sur le sable en la confrontant. Elle si orgueilleuse qu’elle réalisera trop tard son imprudence. Pour l’attirer hors de la mare, commence par lui dire qu’elle est très laide, sale et commune. Elle s’en défendra en prétendant être unique à cause de la perle magique qu’elle possède dans son ventre. Riposte aussitôt en lui disant qu’elle était vraiment trop grosse pour s’introduire dans le palais de la reine de Mercure. La raie insultée te répondra sûrement qu’elle a simplement avalé le poisson qui tenait cette perle dans sa gueule. Poursuis tes attaques en la traitant de menteuse. La prétentieuse va perdre patience et s’agiter bruyamment dans l’eau de son bassin. Menace ce monstre de le lapider pour t’avoir raconté des mensonges. Recule lentement en continuant ton manège. Aveuglée par la colère, la raie cherchera à te dévorer. Pour la forcer à t’attaquer hors de l’eau, dis-lui qu’elle est trop lâche pour venger son honneur. Je te conseille de courir vite dès qu’elle s’élancera à ta poursuite.

- Si je comprends bien, lui dit le missionnaire, je vais devoir servir d’appât?

- Pas pour bien longtemps; un poisson nage très mal hors de l’eau et le sable va obstruer ses branchies, lui répondit le conseiller. La raie te demandera un peu d’eau pour respirer et tu n’auras plus qu’à négocier celui-ci contre la perle. Le monstre acceptera de cracher sa pierre devant toi. Ensuite, tu devras prononcer ces mots magiques pour reprendre ta taille normale. Souviens-toi de cette formule:

Anneau lac abulo
Abulo, lolo

- Ha!, C’est vraiment simple comme formule, s’exclama l’homme en souriant. Que dois-je faire ensuite?

- Tu devras ramener ce poisson sur le bord de l’eau afin qu’il puisse retourner dans son élément naturel.

- Et pour les deux autres perles, comment devrais-je m’y prendre?

- Commence par obtenir cette première perle et nous veillerons ensuite à te communiquer la suite de ta mission en temps et lieux, lui répondit la reine de Mercure.

Paichel descendit l’échelle en se disant que cette mission ne devrait pas être trop difficile. Il se fit aussitôt saisir par une jambe par une langue rugueuse. Le gros lézard était toujours là et cherchait à varier son menu. Notre homme s’accrocha solidement pour ensuite défaire un barreau de l’échelle qu’il frotta sur la langue. L’animal le lâcha afin de lécher ce morceau de sel. Cela donna une idée au chercheur d’or qui savait trouver rapidement des solutions à chaque situation inusitée. Il se cacha derrière l’échelle et attendit que le monstre se décide à introduire sa lancette dans l’espace réservé au barreau manquant. Il taquina cette langue pour l’attirer à travers l’échelle et replaça rapidement le bâton salé pour enfermer cette longue lancette dans son étau. Paichel en profita pour se faufiler dans la serrure et prit même le temps de taper amicalement le museau de la bête en disant ironiquement : “ Je pense que tu as introduit ta langue dans une serrure interdite, mon gros dragon de mon coeur! À présent, tu devras attendre que ce sel soit fondu avant de pouvoir retirer ta lancette de là!”

Le chercheur d’or s’éloigna en sifflant l’air de “roule, roule, ma boule, ma boule”et arriva bientôt sur le bord de la mer. Elle paraissait encore plus vaste et les grains de sable ressemblaient à des grosses pierres. Notre homme aurait bien aimé reprendre sa taille normale en attendant l’arrivée de la raie, mais préféra s’en tenir aux instructions du sage conseiller. Il vit son arbre de la taille d’un gratte-ciel et faillit se faire écraser par une feuille qui roula sur lui. C’était vraiment étrange de voir les choses comme une punaise. Un peu plus loin, il traversa plusieurs ravins pour se rendre sur la plage. Il réalisa qu’il venait de marcher dans ses propres traces de pieds, laissés dans ce sable mou. Des vagues gigantesques venaient s’étendre sur la grève en émettant des sons caverneux. Même le cris des mouettes étaient horrifiants à entendre. Paichel se sentait si fragile qu’il n’osait s’imaginer ce qui arriverait si une simple araignée venait l’attaquer par surprise. La simple brise devenait son ennemi. De plus en plus montait en lui cette impression d’impuissance lorsqu’on est l’un des êtres le plus petit de cette île immense.

Soudain, le ciel s’obscurcit par le passage d’un genre de cerf-volant de couleur noire. Il s’écrasa dans une mare d’eau, située à quelques dix mètres seulement de notre homme. Il réalisa très vite que cet étrange objet était cette raie énorme qu’un grosse vague avait projeté dans les airs avec fracas. Comme l’avait prédit le sage conseiller, ce poisson vaniteux finit par cracher la perle noire et Paichel prononça la formule magique pour reprendre sa taille normale. Il ramena la raie vers le rivage et fouilla ensuite dans sa poche de chemise pour se saisir de cette pierre étrange. Alors qu’il l’examinait d’un air intéressé, une voix intérieure lui dit sans tarder :

- Tu devrais ramener cette perle noire à la reine de Mercure pour qu’elle t’indique la suite de ta mission.

- Si je la rapporte, bonne conscience, crois-tu que la reine acceptera de se transformer de nouveau devant moi pour que je lui dépose celle-ci dans sa main?

- Et le voilà de nouveau en amour!, s’exclama la voix inconnue. Dis-moi la vérité, tu voudrais la revoir en chair et os, n’est-ce pas?

- Oh, je le souhaite de tout mon coeur, lui répondit le chercheur d’or.

- Je ne voudrais pas te décevoir, mais ce que tu as vu, c’est une projection de ton mental et non le véritable visage d’une reine merveilleusement belle.

- Elle n’était pas réelle?

- Tu as cru voir la plus belle reine qui soit, grâce aux pouvoirs des trois tubes qui ont fouillé dans tes souvenirs pour te ramener l’image de celle qui fut ton épouse sur ton ancienne planète. Dois-je te rappeler que tu vivais jadis sur Arkara avant de t’incarner sur Terre, mon ami!

- Oh, parfois je suis convaincu d’avoir vécu sur cette planète et ensuite, ces souvenirs s’effacent et je ne suis plus sûr de rien. Peux-tu me dire le nom de mon épouse?

- Est-ce que le prénom de Rosia te rappelle quelque chose?

- Rosia! Oui, je vois la reine de Mercure ou plutôt, je réalise que c’est elle que je prenais pour mon ancienne épouse sur Arkara.

- Oui, Rosia était très belle, en effet! À présent que je viens de te révéler le nom de celle qui était ta compagne sur ton ancienne planète, va porter cette perle avant de la perdre.

- Oui, je ne voudrais surtout pas que la reine de Mercure s’inquiète à mon sujet. Mais si tu sais tellement de choses, peux-tu me révéler la suite de ma mission?

- C’est inutile de te prédire la suite des événements; va remettre cette pierre et tu verras bien!

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